COMMUNIQUE DE PRESSE
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Aujourd’hui le 25 juillet 2024, nous, avocats de Victoire Ingabire Umuhoza, prenons acte avec inquiétude des propos tenus contre notre cliente par le Président de la République Rwandaise au cours de sa campagne électorale en marge des élections présidentielles du 15 juillet 2024.
Les propos du Président sont diffamatoires, imprudemment incendiaires et dangereux.
Le 6 juillet 2024, le Président de la République s’est adressé au public lors d’un rassemblement dans le district de Bugesera et a déclaré, que “personne ne viendra détruire ce que nous avons construit” en faisant référence au développement du Rwanda. Il a ensuite déclaré que “quelques-uns d’entre nous ont accepté d’être utilisés par ces personnes [c’est-à-dire les opposants politiques]”. Ces gens [c’est-à-dire les opposants politiques]. Ils les présentent comme des gens extraordinaires. Ces gens n’arriveront à rien jusqu’à leur mort.”1
Le 9 juillet 2024, dans le district de Gicumbi, village de Mulindi, le Président a participé à une séance de questions-réponses avec des créateurs de contenu sur les médias sociaux. Au cours de cette session, il a décrit Madame Ingabire comme étant une “petite femme de génocidaire”2. Le Président a ridiculisé le fait que Madame Ingabire se voyait comme une opposante politique capable de devenir Présidente du Rwanda.
Le 13 juillet 2024, le Président a donné une conférence de presse. À la fin de cette conférence de presse, il a évoqué des activités auxquelles, selon lui, Madame Ingabire était impliquée notamment “passer son temps à crier “, “lutter contre le mal qui l’habite”, “travailler avec des personnes impliquées dans la guerre à l’est du Congo”, et “souhaiter ou dire du mal du Rwanda”, avant de déclarer : “Vous savez qu’elle ne finira pas bien”3. Le président ajouta: « L’on ne peut pas permettre que l’action de personnes telles que Madame Ingabire et Charles Onana atteigne un niveau où elle peut avoir des conséquences négatives sur le pays ou sur les Rwandais. Lorsque nous en arrivons à ce niveau, nous trouvons une solution appropriée…Quand ils racontent des mensonges, il faut réfuter ce qu’ils disent. Mais s’ils dépassent les bornes, les conséquences sont claires”.
Ces déclarations ont été faites dans un contexte bien connu et sont tout à fait cohérents avec les positions du gouvernement rwandais, qui consiste à étouffer toute opposition politique digne de ce nom. Human Rights Watch a récemment rapporté que “les commentateurs, les journalistes, les militants de l’opposition et d’autres personnes qui s’expriment sur les affaires courantes et critiquent les politiques publiques au Rwanda ont continué à faire l’objet de poursuites abusives, de disparitions forcées et sont parfois décédés dans des circonstances inexpliquées. […] À l’approche des élections générales de 2024, l’espace pour l’opposition politique reste fermé. […] Plus d’une douzaine de membres de l’opposition politique sont en prison”4
Freedom House a récemment estimé que le Rwanda n’était pas libre et lui a
attribué un score de 8/40 points sur la capacité de ses citoyens à exercer leurs droits politiques. Le régime actuel “a également réprimé la dissidence politique par une surveillance omniprésente, l’intimidation, la détention arbitraire, la torture et les enlèvements ou assassinats présumés de dissidents en exil “.5
La Fédération internationale des droits de l’homme a récemment constaté que “le gouvernement n’hésite pas à exterminer, littéralement et symboliquement, les voix dissidentes qui tentent d’émerger et de s’organiser pour exprimer leur mécontentement, leurs craintes et leurs revendications. Les harcèlements, les arrestations arbitraires, la surveillance illégale, les enlèvements et les disparitions forcées font partie des techniques privilégiées par le FPR pour réduire au silence toute opposition. Ce qui reste de la société civile et de l’opposition politique est étranglé par la répression. […] L’espace démocratique est devenu inexistant au Rwanda et seuls les groupes politiques vides subsistent”.6
De nombreux rapports bien documentés et crédibles font état de collègues et de membres du parti politique de Mme Ingabire qui ont été ciblés, arbitrairement arrêtés, torturés, portés disparus ou assassinés au fil des ans, y compris Illuminée Iragena en mars 20167 , Jean Damascène Habarugira en mai 20178 , Boniface Twagirimana en octobre 20189 , Anselme Mutuyimana 18 Mars 201910 , Eugène Ndereyimana en juillet 201911 Syldio Dusabumuremyi en septembre 201912, Théophile Ntirutwa en mai 2020, et Venant Abayisenga en mai 2020. Venant Abayisenga en juin 202013.
Aucun de ces cas de ciblage illégal, d’arrestation arbitraire, de torture, de disparition ou de meurtre n’a fait l’objet d’une enquête adéquate ou d’une enquête tout court de la part des autorités rwandaises. Personne n’a jamais eu à répondre de ces crimes graves. Les activités de l’État rwandais ont favorisé un environnement d’impunité absolue pour les violations des droits de l’homme commises à l’encontre des opposants politiques
Il est faux, sciemment diffamatoire et imprudemment incendiaire de la part du Président de décrire Madame Ingabire comme une “petite femme de génocidaire”. Il est antidémocratique de la part du Chef d’Etat d’étouffer le droit légitime de Madame Ingabire d’exprimer son désaccord politique.
Dans un contexte bien établi d’intolérance totale à l’égard de ceux qui osent critiquer le régime actuel au Rwanda, il était dangereux pour le Président de déclarer que, si elle ne s’arrête pas, “nous trouverons une solution appropriée”, et que “les conséquences sont claires”. La déclaration du Président selon laquelle “vous savez qu’elle ne finira pas bien” équivaut à une menace pour sa vie et sa sécurité.
Ces commentaires dangereux ont pour effet d’encourager des éléments importants de la communauté rwandaise à lancer de graves menaces de violence à l’encontre de Mme Ingabire. Mme Ingabire. Par exemple, dans une vidéo YouTube postée le 16 juillet 2024 et visionnée près de 34 000 fois, un Monsieur qui s’est présente comme Apôtre Mutabazi a déclaré que Mme Ingabire “devrait s’estimer heureuse qu’il ne fait pas partie de ceux qui décident de ce qu’il faut faire d’elle. Il déclara « Je dirais même qu’elle mérite une balle dans la tête”.14 L’expérience passée démontre que toute atteinte portée à Madame Ingabire se ferait en toute impunité.
Le gouvernement rwandais sera tenu pour responsable si Madame Ingabire subit un quelconque préjudice.
Nous demandons au Président (i) de reconnaître que Madame Ingabire a le droit de poursuivre ses activités politiques, (ii) de décourager et de déplorer publiquement toute tentative de menace contre la vie et l’intégrité physique de Madame Ingabire, et (iii) de garantir sa sécurité future.
Iain Edwards, 1MCB Chambers, Londres, contact téléphonique +31 633 502 207
Emily Osiemo, Lumumba & Ayieko Advocates, Nairobi
Elisha Ongoya, Ongoya & Wambola Advocates, Nairobi
Kate Gibson, Doughty Street Chambers, Londres
Philippe Larochelle, Larochelle Avocats, Montréal
- Perezida Kagame yasobanuye impamvu yagiye gutura mu Bugesera, 6 Juillet 2024 ↩︎
- President Kagame Interactive Session with Content Creators in Gicumbi District | Mulindi, 9 Juillet 24 à partir de 1:04:25 ↩︎
- Press Conference with RPF Chairman and Presidential Candidate, H.E. Paul Kagame | 13 Juillet 2024 à partir de 1:19:23 ↩︎
- Human Rights Watch, Rwanda, Events of 2023, 2024 ↩︎
- Freedom House, Freedom in the World 2024, 2024 ↩︎
- International Federation for Human Rights, RWANDA: Democratic space held hostage by the Rwandan Patriotic Front (RPF), Juillet 2022, No. 797a, pages 4 and 23 ↩︎
- Amnesty International, Rwanda: Come clean about fate of missing activist Illuminée Iragena, 26 Mars 2017 8 Amnesty International, Rwanda: Decades of a acks repression and killings set the scene for next month’s election, 7 Juillet 2017 ↩︎
- Amnesty International, Rwanda: Decades of a acks repression and killings set the scene for next month’s election, 7 Juillet 2017 ↩︎
- Human Rights Watch, One Month Since Rwandan Opposition Leader ‘Disappeared’; 8 Novembre 2018; Amnesty International, Rwanda: Opposition politician found dead, 18 Mars 2019 ↩︎
- Amnesty International, Rwanda: Opposition politician found dead, 18 Mars 2019; CNN, Aide to leading Rwandan opposition politician found dead, ↩︎
- Mars 2019 11 Human Rights Watch, Rwanda: Disappearances Require Credible Investigations: Month Later, Journalist and Opposition Member Still Missing, 15 Août 2019 ↩︎
- Amnesty International, Rwanda: Ensure justice for opposition politician stabbed to death’, 24 Septembre 2019 ↩︎
- Human Rights Watch, Rwanda: Crackdown on Opposition, Media Intensifies Space for Dissent Closes, 19 Octobre 2021 ↩︎
- Imvugo za Ingabire Victoire kuri Perezida Kagame zirandya Mutabazi ariye karungu ninshake mfungwe, 16 July 2024, à partir de 0:04:08 ↩︎