Réaction du Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix (RiFDP) aux propos tenus par le président Paul Kagame le 30 juin 2013.
Le 30 juin 2013, le président du Rwanda Paul Kagame a tenu des propos très durs et scandaleux devant des centaines de jeunes réunis dans un stade de Kigali dans le cadre d’une campagne baptisée : « Youth connect », sous la houlette de Madame Jeannette Kagame, épouse du Président de la République Rwandaise.
Dans son discours d’une rare violence prononcé en Kinyarwanda et entrecoupé de quelques phrases en anglais, le président Kagame a clairement fait comprendre qu’il entend désormais prendre la jeunesse rwandaise en otage, d’une part en culpabilisant les jeunes hutu pour des crimes qu’ils n’ont ni commis, ni connus, et d’autre part, en appelant les jeunes tutsi à se méfier toujours de leurs compatriotes hutu. Paul Kagame a également affirmé que les hutu n’avaient pas le droit naturel et inaliénable de vivre au Rwanda, et que, s’ils y vivent encore, c’est grâce à sa seule bienveillance. En effet, dans son envolée délirante, il a révélé qu’il lui a fallu beaucoup de mansuétude de sa part pour permettre que les hutu vivent encore au Rwanda. C’est pourquoi, toujours selon lui, les hutu devraient à jamais se sentir coupables et que chaque génération devrait faire le « mea culpa » de la génération précédente. Ceci s’est traduit concrètement par une séance particulièrement cynique pendant laquelle des enfants hutu choisis pour la circonstance, se sont livrés devant les micros et les caméras de la presse à une séance de pénitence en demandant pardon, au nom de tous les hutu, pour les crimes de génocide que, clamaient-ils, leurs parents auraient commis contre les tutsi !
Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix (RifDP) a été choqué par cette campagne et les propos divisionnistes et racistes tenus par un homme politique qui, comme chef de l’Etat, devrait plutôt prêcher la concorde entre tous les jeunes rwandais, hutu, tutsi et twa.
En tant qu’ organisation regroupant des femmes et des mères, sensibles plus que d’autres à l’éducation de la jeunesse, Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix condamne la campagne publiquement initiée par les propos de Paul Kagame tenus à Kigali le 30 juin 2013 et ayant pour objectif d’imputer d’éventuels crimes des parents à leurs enfants en obligeant ces derniers à demander pardon au nom de l’ethnie hutu, pour des crimes qu’ils n’ont ni commis, ni connus.
Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix demande à la jeunesse rwandaise de résister à cette culpabilisation collective, de ne pas céder aux pressions diverses qui sont exercées sur eux et de refuser quelques avantages matériels qui leur sont offerts pour qu’ils acceptent de porter le fardeau du péché de leurs ancêtres.
Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix appelle la communauté internationale à dénoncer et à décourager cette campagne de division, de déshumanisation et de haine initiée par Paul Kagame le 30 juin 2013, qui intervient au moment où le régime de Kagame clame en même temps que les ethnies n’existent pas au Rwanda, que l’on est Rwandais tout court. Sur base de quel critère ces jeunes sont-ils choisis, étiquetés comme hutu et obligés de demander pardon ? Le RifDP s’indigne d’autant plus que le Rwanda se dit le premier pays à promouvoir la condition de la femme avec plus de 54% de femmes parlementaires aux Chambres. Comment celles-ci peuvent-elles rester silencieuses à la déshumanisation d’elles-mêmes et de leur progéniture ?
Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix invite les Organisations de Défense des Droits de l’Homme à dénoncer cette campagne et à qualifier les propos de Paul Kagame prononcés le 30 juin 2013 à Kigali comme une incitation publique à la haine ethniste.
Le Réseau international des Femmes pour la Démocratie et la Paix demande enfin à la Communauté Internationale, notamment les grandes puissances, qui, jusqu’ici, ont couvert les crimes et les violations des Droits de l’Homme imputables au Président Paul Kagame, de considérer que, en appelant une partie de la jeunesse rwandaise à se méfier d’une autre sur base ethnique, il a franchi le Rubicon et doit en tirer les conclusions qui s’imposent.
Fait à Bruxelles, le 1er juillet 2013
Primitiva Mukarwego, RifDP-IwnDP en Belgique (Sé)
Florentine Mukasine, RifDP-IwnDP aux Pays-Bas (Sé)
Perpétue Muramutse, RifDP-IwnDP au Canada (Sé)