Redonnons à la vie humaine sa valeur
Discours de circonstance de Mme Kami Runyinya, coordinatrice du RifDP, section Belgique à la 13ème édition de la remise du Prix Victoire Ingabire Umuhoza pour la Démocratie et la Paix
Chers invités,
Je vous souhaite la bienvenue à la 13ème édition de la remise du Prix Victoire Ingabire Umuhoza pour la Démocratie et la Paix. C’est une grande joie pour nous de voir que l’événement suscite toujours autant d’intérêt et d’engouement. C’est un honneur pour tous les membres du Réseau International des femmes pour la Démocratie et la Paix de vous accueillir et de partager avec vous ce moment annuel tant attendu.
Pour rappel, le prix a été créé à Montréal, Canada, en 2011. Il incarne le courage et le leadership de Victoire Ingabire Umuhoza dans sa démarche pacifique de résolution de conflits. Ce prix honore toute personne ou organisation qui pose des gestes significatifs et courageux en faveur de la démocratie et de la paix dans la région des Grands Lacs Africains.
Quand nous avons commencé la remise de ce prix, nous avons toujours pris un thème qui reflète les idées qu’on veut faire passer en tant qu’organisation. Soit il est inspiré de celui de la Journée Internationale des Droits de la Femme, journée qui a lieu le 8 mars, ou est le même ; soit c’est un thème qui reflète les réalités du moment, surtout dans la Région des Grands Lacs Africains, région qui nous tient à cœur.
Au vu des événements qui se passent dans la Région et ceci depuis plus de 30 ans maintenant, il nous semblait important de faire une réflexion sur la vie humaine. Est-elle moins importante dans cette région par rapport à ailleurs ? Doit-elle être considérée différemment d’ailleurs ? Que faire pour qu’elle soit prise en considération ? Que faire pour que la perte des vies humaines, que ce soit dans cette région ou ailleurs, ne soit plus banalisée au point où elle semble l’être actuellement ? C’est de tous ces questionnements que nous est venu le thème de cette année « Redonnons à la vie humaine sa valeur ».
De tout temps, il y a toujours eu des conflits qui opposaient les peuples et le schéma est toujours le même : c’est le petit peuple qui trinque et paye le plus lourd tribut quand il s’agit des victimes. Vous conviendrez avec moi qu’aucun conflit au monde, surtout si il est armé ne s’est terminé sans aucune victime. C’est juste impossible !
Depuis l’avènement du Front Patriotique Rwandais (FPR) au pouvoir en 1994, le conflit ayant débuté en octobre 1990, la région des Grands Lacs en Afrique a été le théâtre de nombreuses tueries et violences. Le conflit s’est déplacé du Rwanda à la République démocratique du Congo depuis octobre 1996 et a fait plus de 10 millions de morts, plus 500 000 femmes violées et ces chiffres ne cessent d’augmenter.
Cette guerre incessante imposée au peuple congolais et aux réfugiés rwandais est le résultat de divers intérêts politiques, économiques et géostratégiques et notre préoccupation, nous la société civile, est la souffrance et les conséquences dévastatrices pour cette population.
Les responsables de ces exactions brutales et inhumaines ciblent principalement les femmes et les filles, en les soumettant systématiquement à des actes de violence sexuelle extrême. Ces viols sont souvent utilisés comme arme de guerre pour terroriser les populations locales et déstabiliser les communautés.
En plus des viols, les bourreaux à l’est du Congo assassinent impitoyablement les hommes, ceux qui ne sont pas tués sont souvent mutilés de manière extrêmement violente et barbare. Ces actes de violence sont aussi destinés à affirmer leur domination sur les populations locales. Ils ne se contentent pas de s’en prendre aux individus, ils détruisent également les lieux d’intérêts, brûlant les maisons, les écoles, les hôpitaux et les infrastructures publiques. Cette destruction massive vise à déstabiliser les communautés, à les priver de leurs ressources essentielles et engendre le déplacement massif des populations. Nous devons condamner avec fermeté cette cruauté.
En outre, les guerres ont laissé des traumatismes profonds chez les survivants qui ont été témoins de violences inouïes et ont souvent été victimes de violences eux-mêmes. Ces traumatismes ont des effets durables sur la santé des individus et sur leurs capacités à reconstruire des relations sociales saines. Pour reconstruire le tissu social déchiré par les guerres dans la région des grands lacs africains, il est essentiel de promouvoir la réconciliation, la justice pour les victimes. Il est également crucial de mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
L’inertie et la complicité des instances internationales, des gouvernements et des puissances financières dans les conflits en République démocratique du Congo (RDC) ont été largement critiquées par de nombreux observateurs et organisations de défense des droits de l’homme. Les Nations Unies, par exemple, ont été accusées de ne pas avoir agi de manière décisive pour mettre fin aux violences et aux violations des droits de l’homme en RDC.
De nombreux gouvernements et puissances financières ont également été critiqués pour leur soutien aux groupes armés impliqués dans les conflits en RDC. Le Rwanda est accusé de fournir des armes et un soutien financier à des groupes rebelles, le M23 entre autres, alimentant ainsi les conflits et les souffrances des populations civiles. Les minerais tels que l’or, le coltan et le diamant sont souvent exploités de manière illégale et utilisés pour financer les groupes armés.
Ces comportements contribuent à prolonger les souffrances des populations civiles. Il est crucial que ces acteurs prennent leurs responsabilités et agissent de manière plus proactive pour mettre fin aux violences et aux abus dans la région des grands lacs africains.
Au cours de ces conflits, les femmes ont souvent été les premières à payer de lourds tributs. Malgré ces épreuves, les femmes congolaises et refugiées rwandaises ont joué un rôle crucial et admirable. Leur résilience, leur courage et leur détermination ont été des moteurs essentiels pour surmonter les traumatismes de la guerre et reconstruire une société pacifiée et prospère.
Au travers de différentes structures et associations, ces femmes admirables continuent de jouer un rôle central dans la promotion de la paix et de la justice, en militant pour la fin de l’impunité des auteurs de violences sexuelles et en œuvrant pour la réconciliation entre les communautés divisées par la guerre.
En reconnaissant l’importance du rôle et de la dignité des femmes dans la société dans cette région meurtrie, il est essentiel de leur accorder une place centrale dans les processus de paix, de reconstruction et de développement. Il est crucial de garantir leur participation active dans les instances de décision et de leur offrir des opportunités d’éducation, d’emploi et d’autonomisation économique.
Il y aurait tellement de choses à dire sur le sujet mais pour conclure, je dirai que les femmes étant le cœur du foyer, en les valorisant, nous redonnerons ainsi à la vie humaine sa valeur.