La conférence du 17 octobre 2015 qui a réuni une cinquantaine de personnes était une suite logique de celle que le RifDP avait organisée le 14 décembre 2013.
Le thème de la conférence de 2013 était « la résilience ou comment accepter et vivre avec les conséquences des migrations involontaires ». Un accent particulier a été mis sur la transmission intergénérationnelle, étant entendu que les générations peuvent réagir différemment face aux non-dits ou aux trop-dits. Deux conférenciers étaient invités et ont abordé les thèmes suivants :
- Mme Maria-Gladys Busse (psychologue au centre Exil) : Construire entre deux histoires. La transmission intergénérationnelle à l’épreuve de la migration.
- Dr Serge Goffinet (psychothérapeute à Epsylon) : Les mémoires traumatiques, les résistances, la résilience et les générations.
Le 17 octobre 2015, nous avons réinvité les mêmes conférenciers auxquels nous avons adjoint un jeune conférencier issu de l’immigration.
- Le Dr Goffinet a abordé la migration et la resilience: « Comment parler du Rwanda, du génocide, de l‘exil…. à des ados, jeunes adultes rwandais ».
- Mme Maria Gladys Busse est venue nous parler de la résilience des femmes des pays des Grands Lacs africains, femmes qu’elle a eu l’opportunité de rencontrer.
L’exil, de par sa définition, ne se prépare pas. Il n’y a pas de projet derrière l’exil puisque ce n’est pas quelque chose qu’on planifie. L’exilé est forcé de partir de son pays, il lui est interdit d’y retourner, il perd tout, il s’installe dans les pays qui veulent bien l’accueillir et doit recommencer une nouvelle vie, se reconstruire, en essayant d’accepter ce qui lui arrive dans un monde où tout ce qu’il chérissait n’existe plus. C’est ça, la résilience. Mais l’exilé continue de nourrir cet espoir de voir les choses s’améliorer dans son pays, afin qu’il puisse repartir et reprendre la vie qu’il a mise entre parenthèses pour un moment.
- D’où l’intervention de notre troisième conférencier, Mr Placide Kayumba, membre fondateur de Jambo asbl, dont l’intervention était intitulée « La résilience, oui, et après ? ».
Après trois heures de débats animés autour d’un thème aussi sensible que la résilience, le temps imparti était trop insuffisant comme la fois dernière, et avons conclu, tant le public, les conférenciers et notre asbl, que cette action était à pérenniser.
Le souhait est que cette action soit annuelle pour essayer de répondre aux défis auxquels doivent faire face, en permanence, les migrants involontaires.
Nous déplorons néanmoins le manque d’intérêt des services fédéraux et parastataux ayant l’immigration dans leurs attributions, invités, mais qui n’étaient pas présents.
Voici les grandes lignes du thème abordé par Dr Serge Goffinet
« Comment parler du Rwanda, du génocide, de l‘exil…. à des ados, jeunes adultes rwandais »
- 1, Conséquences du génocide
- 2, Exil et génocide
- 3, Résilience : individuelle, familiale, collective
- 4, Adolescence et migration
- 5, Génocide + Résilience + Exil + Adolescence
Conditions qui ont rendu possible le Génocide: c’est une Combinaison de facteurs :
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- 1° histoire (et son enseignement)
- 2° la guerre (oct 1990)
- 3° politique interne et affaires étrangères
- 4° mass-media
- 5° pauvreté/démographie
- 6° peur
1994 : chiffre de 1.074.017 Tutsi et Hutu modérés assassinés
1. Conséquences du génocide
- Biologique : trauma et transmission :
- La progéniture des survivants présente un risque accru de maladie physique et mentale
- Le sang des enfants de rescapés présente les mêmes caractéristiques que celui des survivants de l’Holocauste ou d’autres traumatismes collectifs
- Psychologique : trauma et mémoire individuelle
- « Dépositaire de l’Histoire, le témoin peut choisir d’en rendre compte ou de le garder par devers lui. (…) pour s’être confrontés seuls à l’horrible qui se passait en eux,, certains témoins ont perdu le chemin de l’appartenance au groupe, cette communauté affective indispensable à l’humain. » (Régine Weinrater, sortir du génocide)
- Collective : histoire et mémoire collective
- Le travail de groupe est essentiel, car il est au coeur de la culture rwandaise. Il permet aussi de contenir l’angoisse.
- Exil
- Obligation de partir et impossibilité du retour avec le manque du rite protecteur des adieux
- Les exilés peuvent se sentir écrasés par la culpabilité qu’ils expérimentent face aux compagnons qu’ils ont vu tomber à leur côté
- exil est ressenti comme la perte d’une identité qui définissait la personne
- Difficulté de trouver une place dans la nouvelle société
- Ils ne viennent pas vers quelque chose mais amers ils fuient ou sont expulsés de quelque chose
- Espace et temporalité troublés que ceux de l’exilé : situé, ou plutôt institué dans le non-lieu de l’Etranger, entre familier et inconnu, réel et imaginaire, expulsion et intégration.
- Résilience
- Individuelle : phénomène manifesté par des sujets jeunes qui évoluent favorablement, bien qu’ayant éprouvé une forme de stress, qui dans la population générale est connue comme comportant un risque sérieux de conséquences défavorables (M. Rutter, 1985)
- Familiale : familles dont la réaction appropriée lors d’événements traumatiques, ainsi qu’une absence de désordres psychopathologiques dans les suites des événements, jour un rôle de soutien, de prévention de la détresse chez ceux des membres directement victimes. (M. Delage)
- Collective : capacité donnée aux victimes à construire une histoire qui ne peut se structurer que reprise dans un sens collectif
- Nombre d’exilés témoignent pour dire qui ils sont, en forme de « je sais d’où je viens, même si les preuves ne sont plus là pour le dire ». Mais « qui suis-je ? » est la question qui souvent émerge à peine d’un iceberg d’inquiétude sur l’identité de soi après l’arrachement à la terre de ses origines.
- Adolescence
Un des enjeux de l’adolescence est la redéfinition de son identité. Un adolescent immigré redéfinit son identité personnelle mais aussi son identité culturelle.
5. Que dire aux jeunes ? Au nom de l’expérience de l’exil, du génocide et de l’humanité ….
1) tu seras digne
- Dignité individuelle : « liée au statut même de l’homme. C’est le rapport de l’homme face à lui-même, témoignant de sa capacité d’accéder » à une vie morale par les choix qu’il opèrera dans a vie… c’est le degré de liberté dont jouit l’individu dans la conduite de son existence »
- Dignité d’appartenance : « est le droit qui nous est accordé d’appartenir à un groupe spécifique. (…) Chaque groupe définit ses propres règles d’appartenance sur ce qui convient ou non, afin d’être digne d’en faire partie, mais chaque groupe peut à certains moments se montrer cruellement, voire injustement, rejetant. »
Ex. si l’élection confère une dignité d’appartenance, la sélection aucune. En ce sens, la sélection est une déshumanisation où des sujets ou des groupes se voient réduits à un trait particulier.
2) tu seras résilient
- 1, il est indispensable de créer une stabilité sensorielle dès la fin de la grossesse;
- 2, ne pas stresser les mères pendant la grossesse
- 3, ne pas avoir une explication linéaire mais une conjonction et une convergence de causes hétérogènes
- 4, système poly-attachements
- 5, le soutien de la structure familiale ou éducative
- 6, lutter contre la loi de l’oubli
3) tu seras juste
- Les Justes, dans l’imaginaire collectif, composent cette catégorie d’hommes qui ne se font pas homologuer durant les temps obscurs de l’humanité et qui représentent un exemple concret pour la prévention de toute forme de persécution raciale, sociale ou politique de la part d’un État qui viole le commandement de ne pas tuer. Les Justes sont la représentation concrète du fait qu’il n’existe pas un déterminisme dans l’histoire car chaque homme, à sa place, peut toujours faire la différence. La possibilité de choisir et de se poser en frein face au mal est donc à la portée de tous.
4) tu cultiveras les cinq piliers de ton équilibre
- Vie affective (amoureuse)
- Vie sociale (amitiés, connaissances, collègues)
- Vie spirituelle (intellectuelle et/ou religieuse)
- Vie au travail (motivation, engagement, rémunération)
- Bien-être corporel (santé, mouvements
- Conclusion
La pensée ne corrompt pas, mais ne rend pas meilleur pour autant. Néanmoins, son exercice entraîne la responsabilité personnelle de chacun, au sens où tout homme possède cette faculté indispensable à la distinction du bien et du mal.